Simon Julien
Premier directeur principal | B.A.A. FPAA | Conseils financiers

Les variations de coût des assurances sont influencées par les mouvements de capitaux à l’intérieur du marché. Que peuvent faire les entreprises?

Typiquement, le marché des assurances de dommages est caractérisé par des cycles de marché favorables (soft market), où l’on observe une forte concurrence des assureurs, des baisses de tarification et une disponibilité des garanties, suivis de cycles de marché défavorables (hard market). On observe alors une baisse marquée de la concurrence, des hausses de tarifs et un effritement des garanties offertes. Ces variations sont provoquées notamment par les mouvements de capitaux à l’intérieur du marché des assureurs.

Après une période plus ou moins longue où les assureurs se battent pour des parts de marché afin de capitaliser principalement sur les flux monétaires qui procurent des revenus de placements, les assureurs tardent à augmenter leurs tarifs en proportion de la hausse du coût des sinistres.

Ensuite, les assureurs compensent, sur une courte période, le manque à gagner accumulé pendant la période de soft market par de fortes hausses de primes. Les assureurs cherchent alors à maximiser la rentabilité en révisant leur capacité de souscription et en abandonnant certaines catégories de risques, ce qui provoque une contraction importante de l’offre d’assurances.

Nouvelle réalité du marché

De 2010 à 2018, une forte concurrence a caractérisé le marché des assurances de dommages au Canada. Maintenant, nous observons, pour l’ensemble des secteurs économiques, un resserrement important du marché des assurances de dommages qui a commencé plutôt sobrement au début de l’année 2019.

Les assureurs font preuve de cohésion lorsqu’il s’agit d’imposer des changements de conditions en centralisant les décisions de renouvellement. L’impact de la dégradation du marché des assurances observée en 2020 et en 2022 est sans précédent et les entreprises doivent renouveler leur programme d’assurance dans la tourmente. Les renouvellements peuvent nécessiter de longues périodes de négociation, des révisions de garanties, des ajouts de conditions ainsi que des changements d’assureurs, et entraîner des hausses très importantes de tarifs.

Au lieu d’adopter une approche de souscription basée sur l’appréciation rigoureuse du risque à assurer, les assureurs appliquent présentement une tarification qui vise à assurer un niveau de revenu déterminé. L’état actuel du marché inverse le poids des principaux déterminants qui sont généralement considérés par les assureurs pour établir la tarification.

Perspectives du marché

Malgré un retour vertigineux de la profitabilité des assureurs en 2021 et la perspective d’une hausse des taux d’intérêt potentiellement favorable aux résultats des assureurs, l’offre d’assurances demeure limitée dans le marché actuel et les signes d’amélioration des modalités de l’offre tardent à se manifester.

Il n’est pas exclu que l’on puisse cependant observer une certaine stabilisation du marché à moyen terme (d’ici un à deux ans) et une amélioration des conditions à long terme (d’ici deux à cinq ans). La cadence de l’amélioration du marché demeure très incertaine.

Songer à l’autoassurance?

À court terme, l’offre d’assurances est tellement faible que les entreprises sont contraintes de reconduire leur programme d’assurance avec leurs assureurs actuels.

Par ailleurs, les approches visant à réviser la structure de financement des risques en augmentant le niveau de rétention des garanties ne permettent pas de réduire significativement la hausse des primes. En effet, les primes actuelles représentent pour les assureurs un seuil minimal, peu compressible quant aux prises de risques de l’assuré au vu des garanties souscrites.

Ainsi, seul l’abandon de garanties (autoassurance complète) permettra de réduire significativement le coût d’assurance. Une telle décision doit être appuyée par une démonstration de sa rentabilité à moyen et long terme, mais aussi par une volonté de la direction de l’entreprise de composer avec une variabilité beaucoup plus importante du coût de financement des risques complètement autoassurés.

Mesures pour obtenir les meilleures conditions possible

Dans le cas des entreprises pour qui l’autoassurance complète ne représente pas une option envisageable, seule l’amélioration des conditions du marché permettra d’obtenir une baisse des primes. Pour tirer profit le plus tôt possible des conditions plus favorables du marché, les entreprises devront prendre les mesures suivantes afin d’obtenir une couverture d’assurance aux meilleures conditions possible :

  1. Déterminer avec leur courtier l’échéancier et les objectifs du renouvellement en ce qui a trait aux conditions et à la tarification avec un plan de suivi des négociations;
  2. Demander au courtier d’obtenir des propositions alternatives de la part d’autres assureurs et obtenir le rapport de mise ne marché du courtier;
  3. Établir des scénarios quant aux rétentions à souscrire pour chaque garantie;
  4. Mettre à jour et documenter de manière rigoureuse et pertinente leur profil de risque. Le profil de risque devrait notamment intégrer les éléments suivants :
    • Historique de l’entreprise et gouvernance;
    • Évolution des revenus et répartition par région et par catégorie de produits ou de services;
    • Évolution de l’intensité des activités en ce qui concerne les unités de production ou les services;
    • Évolution du nombre d’employés;
    • Description des produits et des services fournis;
    • Profil de la clientèle;
    • Normes et pratiques;
    • Mesures, politiques et règlements visant à réduire les risques de sinistres et à atténuer leur gravité;
    • Liste et valeur des actifs à couvrir;
    • Description COPE (construction, occupancy, protection and exposure) des immeubles à assurer;
    • Répertoire des ententes et des contrats conclus avec des tiers;
    • Exposition relative aux cyberrisques;
    • Évolution de la sinistralité par garantie (coût des sinistres/unités d’exposition).

18 Mai 2022  |  Écrit par :

Simon Julien est expert en conseils financiers au sein de Raymond Chabot Grant Thornton.

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Mis à jour le 19 octobre 2023

L’inflation génère des inquiétudes pour plusieurs entreprises. Une gestion rigoureuse des risques et des finances est plus que jamais requise.

Les organisations doivent relever des défis de taille. La forte inflation, l’augmentation des taux d’intérêt, la pénurie de main-d’œuvre et les problèmes d’approvisionnement sont autant de facteurs qui alimentent un environnement économique incertain pour les entreprises.

C’est pourquoi il est important de réaliser une solide planification financière afin d’évaluer les points de vulnérabilité de votre entreprise, et ainsi agir en amont afin de prévenir les risques, et de soutenir la croissance.

Voici les principes de base à respecter pour préserver la santé financière de votre entreprise.

1. Faire un état de la situation

D’abord, vous devez évaluer l’effet des différents facteurs de risque sur votre entreprise et déterminer où elle est le plus vulnérable. Il est important de prendre en compte les particularités de l’industrie dans laquelle elle évolue ainsi que celles qui lui sont propres.

Posez-vous des questions telles que :

  • Comment ces risques peuvent-ils affecter vos revenus et vos marges brutes?
  • Est-ce que les produits ou les services que vous offrez constituent des dépenses discrétionnaires pour les clients?
  • Si oui, vos ventes pourraient-elles diminuer en raison de la réduction du pouvoir d’achat des consommateurs que l’inflation engendre?

2. Établir des prévisions financières

Les prévisions financières sont un outil primordial pour la saine gestion de toute entreprise. Elles visent à recenser les principaux problèmes et les solutions possibles.

Il s’agit d’établir plusieurs hypothèses en fonction des facteurs économiques que vous avez ciblés à l’étape précédente. L’objectif est d’évaluer l’effet de ces facteurs sur la rentabilité et les liquidités de l’entreprise. Par exemple :

  • Vos volumes de ventes augmenteront-ils ou diminueront-ils?
  • Quel sera l’effet d’une baisse des ventes de 5 %, de 10 %?
  • Vos prix de vente changeront-ils?
  • Quel sera l’effet d’une baisse de vos prix de 5 %, de 10 %?
  • Qu’arrivera-t-il si vos coûts d’approvisionnement ou de transport augmentent de 5 % ou de 10 %?
  • Devrez-vous augmenter les salaires et les coûts de main-d’œuvre pour que votre entreprise puisse répondre à la demande de sa clientèle? Si oui, à quel niveau?
  • Quels seront les délais d’encaissement des comptes clients et de paiement des fournisseurs?
  • La rentabilité sera-t-elle suffisante pour respecter vos engagements financiers?
  • Quels seront les investissements requis pour la bonne marche et la croissance de l’entreprise?

Cet exercice permet d’élaborer différents scénarios en fonction des variations possibles des facteurs de risque et de déterminer les points de bascule sur le plan des liquidités.

Grâce à cette modélisation, appelée test de résistance (ou plus communément stress test), vous serez en mesure de gérer en amont les conséquences de ces facteurs de risque et de prévoir des solutions pour y faire face. Vous pourrez ainsi établir une planification qui sera parfaitement adaptée aux perspectives propres à votre entreprise.

3. Planifier de façon efficace

Voici quelques conseils importants pour que cet exercice soit pleinement efficace :

  • Faites vos prévisions de façon à couvrir idéalement deux ou trois années, étant donné que le contexte actuel risque de durer un certain temps.
  • Soyez lucide et sans complaisance, afin de pouvoir mettre en place les solutions les plus adéquates en fonction des perspectives réelles de votre entreprise.
  • Concentrez-vous sur les liquidités. Une entreprise peut absorber un certain niveau de pertes. Par contre, si elle manque de liquidités, ce sera un point de bascule qui la placera dans une situation précaire.

4. Profiter de l’aide financière offerte pour vos innovations

L’innovation est un autre élément vital pour la réussite des entreprises. Cela est d’autant plus vrai dans le contexte postpandémique, alors que bon nombre d’entre elles devront se réinventer afin d’assurer leur pérennité.

Oui, l’innovation peut coûter cher, mais les mesures fiscales et les programmes de subvention permettent de récupérer jusqu’à 85 % des dépenses d’un projet d’innovation technologique.

Il existe deux outils majeurs, selon l’étape à laquelle se situe votre entreprise dans son projet d’innovation : les subventions et les crédits d’impôt pour investissement (provincial et fédéral).

Voici quelques points importants à savoir sur ces deux outils.

Subventions

  • La demande doit être présentée à un organisme subventionnaire avant de lancer votre projet.
  • Les fonds sont remis avant ou pendant les travaux de recherche et développement (R-D).
  • Les subventions couvrent plusieurs types de dépenses.
  • Les fonds d’un organisme subventionnaire sont limités et le montant d’une subvention est plafonné.
  • Les programmes de subvention ne sont pas nécessairement récurrents.

Crédits d’impôt pour investissement

  • Les crédits d’impôt doivent être réclamés après l’exécution des travaux de R-D.
  • Ils s’appliquent aux différentes dépenses de R-D et sont remboursés après les travaux.
  • Il n’y a pas de limites de fonds ni de dépenses admissibles.
  • Le remboursement peut atteindre 73 % des dépenses salariales et 37,5 % des travaux en sous-traitance et des matériaux consommés, dans le cadre du crédit d’impôt à l’investissement du Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE).
  • Les programmes de crédits d’impôt sont récurrents.
  • Les crédits d’impôt sont soumis à l’approbation des autorités fiscales. Une réclamation peut donc être refusée.

Il est possible de combiner les subventions et les crédits d’impôt pour un même projet, voire pour les mêmes dépenses dans le projet. D’ailleurs, nos experts peuvent vous aider à élaborer des stratégies fiscales pour optimiser l’apport financier total de ces programmes.

Notez aussi qu’il est indispensable de documenter soigneusement l’ensemble de vos travaux d’innovation pour justifier vos demandes de financement (à l’aide de feuilles de temps, de rapports techniques, de contrats, etc.).

Vous avez des questions? Nos équipes d’experts vous offrent tout l’accompagnement nécessaire pour établir une bonne planification financière. Communiquez avec nous pour discuter avec l’un de nos spécialistes.

Pour en savoir plus à propos des sujets abordés dans cet article, visionnez notre webinaire La vie après les subventions.

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Les NFT sont devenus un moyen prisé par certaines organisations pour attirer et fidéliser leur clientèle. Cette avenue est-elle souhaitable pour tous?

Un jeton non fongible (non-fungible token ou NFT) est un certificat de propriété d’un actif, le plus souvent numérique (image, vidéo, audio, etc.), qui garantit l’authenticité de celui-ci. Un NFT atteste que vous êtes le seul propriétaire d’un actif qui est unique, grâce à la technologie des chaînes de blocs (blockchain), ces registres numériques sécurisés, partagés et publics qui conservent l’historique de propriété d’un actif.

Comme cette technologie permet de confirmer que vous êtes le détenteur de l’original d’un actif, et non d’une copie (alors que copier un fichier numérique est très facile), elle crée un effet de rareté. C’est ce qui procure sa valeur au NFT : chaque jeton a une valeur qui lui est propre, laquelle varie selon le jeu de l’offre et de la demande, dans un marché libre et non réglementé.

Les NFT ne sont donc pas interchangeables, contrairement aux cryptomonnaies (tous les bitcoins, par exemple, sont semblables et ont la même valeur). Il est cependant possible de transférer la propriété d’un NFT.

Le NFT comme moyen de fidélisation

Les NFT sont souvent associés à des œuvres d’art numérique vendues à des prix exorbitants. Toutefois, au-delà de ces transactions spectaculaires, les NFT sont avant tout l’équivalent d’un contrat intelligent. Ils peuvent être liés à une variété d’actifs : des biens matériels ou numériques, des droits de propriété de parts d’immeuble ou d’une auto, etc.

Ils peuvent notamment être associés à des objets de collection, des produits de niche et exclusifs, ou un membership. C’est là qu’ils sont appelés à être intéressants comme outil de marketing. L’idée n’est pas tant de tirer des revenus substantiels de la vente de NFT que de s’en servir pour attirer et fidéliser une clientèle et créer un engagement autour d’une marque.

Voici, ci-dessous, quelques exemples qui illustrent les différentes possibilités marketing des NFT.

Canadiens de Montréal

À l’automne 2021, les Canadiens de Montréal ont mis en vente des lots de rondelles numériques, des photos et des billets de matchs commémoratifs sur la plateforme Dropshot. Les collectionneurs peuvent s’échanger ces NFT sur cette plateforme.

Ligue nationale de basketball

La Ligue nationale de basketball a créé les NBA Top Shot, des cartes de collection animées qui reprennent les plus beaux jeux réalisés par les vedettes.

Juste pour rire

Juste pour rire a mis en vente une collection de pièces numériques et de moments clés de l’histoire du festival, dont l’enregistrement de la première fois où le public a ri.

Imaginons que vous fabriquiez des produits de niche ou de luxe (vêtements, accessoires de sport, boissons alcoolisées, etc.). Comme les Canadiens de Montréal ou Juste pour rire, vous pourriez offrir des objets numériques originaux qui créeraient de l’engouement autour de votre marque. De grandes marques comme Nike et Gucci vendent aussi des NFT.

Des contrats aux multiples possibilités

De plus, les NFT sont des jetons programmables. Une entreprise pourrait donc vendre un NFT représentant une carte de membre et le programmer pour qu’il donne accès à certains privilèges ou événements à son détenteur.

Par ailleurs, grâce à leur unicité et à leur traçabilité, les NFT peuvent aussi être utilisés comme preuve d’accès à un service, comme une garantie d’entretien. En fait, puisqu’il s’agit d’un contrat, les NFT ouvrent la porte à de nombreuses possibilités.

Vers une démocratisation des NFT

Cela dit, pour l’instant, la vente de NFT nécessite des moyens techniques qui sont surtout accessibles aux grandes entreprises, notamment parce qu’il faut mettre en place un système de paiement fiable et sécuritaire.

À terme, la mise en œuvre de plateformes de commerce de NFT offrant des solutions simples et intégrant un système de paiement sécuritaire pourrait changer la donne. Par exemple, Shopify, qui offre une plateforme de commerce en ligne réputée, expérimente la version bêta d’une plateforme de commerce de NFT. Celle-ci permettra aux consommateurs d’acheter directement des NFT avec une carte de crédit sur le site sécurisé d’un marchand.

Dans cette perspective, il peut être intéressant pour votre entreprise de commencer à réfléchir à une éventuelle intégration des NFT dans sa stratégie de commerce en ligne.

Le NFT et le métavers

Enfin, mentionnons qu’un jour les NFT pourraient trouver un large marché dans le métavers, ces univers numériques auxquels on accède grâce à un casque d’imagerie virtuelle. Votre avatar pourra acheter des biens sous forme de NFT, assister à un concert ou même à une réunion d’équipe, exécuter mille et un exploits dans un jeu, tout cela de façon virtuelle.

De plus en plus d’entreprises s’intéressent au métavers : de grands acteurs de la technologie comme Facebook et Microsoft, mais aussi des fabricants comme Nike qui vend des vêtements virtuels pour habiller des avatars d’amateurs de jeux vidéo.

Cet article a été rédigé en collaboration avec Guy-Jacques Langevin, co-fondateur de Buzztroop.

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Le ministre des Finances de l’Ontario, Peter Bethlenfalvy, a déposé son budget le 28 avril 2022.

Ce quatrième budget du gouvernement majoritaire dirigé par Doug Ford ne prévoit aucune modification aux taux d’imposition des particuliers et des sociétés.

Le budget propose néanmoins quelques mesures afin d’aider les entreprises et les contribuables.

Téléchargez notre résumé pour en savoir plus.

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