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Avis d'experts

Démystifier le financement dans l’industrie de la construction

Secteur construction | Financement

Écrit par :

Publié le 30 avril 2025


L’industrie de la construction présente des particularités uniques qui influencent son environnement financier. Quelles sont-elles?


Particularités spécifiques à la construction


Facturation progressive

Les projets de construction sont souvent facturés par étape, selon l’avancement des travaux et l’atteinte de jalons (milestones). Cette méthode de facturation permet de gérer les flux de trésorerie en fonction de l’état d’avancement du projet. Cependant, elle peut entraîner des complications si les factures ne sont pas approuvées à temps (mésentente avec le client sur l’atteinte des jalons ou sur les quantités à facturer par exemple), ce qui peut retarder les paiements et affecter la liquidité d’une entreprise.

Retenues contractuelles

Dans le cadre des contrats de construction, il est courant de retenir une partie des paiements jusqu’à la fin du projet (généralement pour une période de 12 mois après la fin de travaux). Ces retenues servent de garantie pour assurer la qualité des travaux, la conformité aux spécifications contractuelles et pour se prémunir contre des sous-traitants impayés, entre autres. Elles représentent souvent une part appréciable de la marge brute dégagée par un contrat, ce qui reporte de plusieurs mois l’accès à de précieuses liquidités.

Travaux en cours non facturés

Les travaux réalisés qui ne sont pas encore facturés peuvent constituer un défi pour la gestion de la trésorerie. Ces travaux représentent des coûts engagés (donc des travaux exécutés) sans que des jalons spécifiques ne soient atteints, ce qui empêche un entrepreneur ou un sous-traitant de les facturer à son client. Il est essentiel de suivre de près l’avancement des travaux et de les facturer dès que possible pour maintenir un flux de trésorerie stable.

Dénonciations de contrats

Les fournisseurs ayant dénoncé leur contrat ont un droit prioritaire sur les paiements (hypothèque légale de la construction) et ont même préséance sur les prêteurs à court terme (les banques notamment). Le client d’un entrepreneur ou d’un sous-traitant voudra confirmer que ces fournisseurs sont payés (quittances) avant d’émettre un paiement. Cela signifie que les créances envers ces fournisseurs doivent être réglées avant que les comptes à recevoir puissent être perçus, ce qui amène une pression accrue sur les liquidités d’une entreprise.

Créances prioritaires

Certaines créances, comme celles envers la Commission de la construction du Québec (CCQ) et de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), ont également un droit prioritaire sur les prêteurs à court terme. Ici aussi, une compagnie doit démontrer à son client que ces créances ont été acquittées (lettres de conformité) avant qu’un paiement puisse être reçu.

Complexité technique

La nature technique et complexe des projets de construction ajoute une couche de difficulté à leur exécution et à leur financement. Les projets de construction nécessitent une planification minutieuse, une coordination étroite entre les différents intervenants et une gestion rigoureuse des ressources. Cette complexité peut entraîner des retards et des dépassements de coûts, qui peuvent affecter la rentabilité et la viabilité financière des projets.

Comment les banques gèrent-elles leurs risques?

Les banques adoptent diverses stratégies pour gérer les risques associés au financement des compagnies œuvrant dans le domaine de la construction :

Déduction des créances prioritaires

Les banques déduisent les montants dus aux fournisseurs ayant fait une dénonciation de contrat et les autres créances prioritaires du calcul de la capacité d’emprunt de l’entreprise. Cette approche permet de réduire le risque que la valeur des comptes clients qu’elles financent soit affectée par des créances prioritaires.

Exclusion des retenues contractuelles

Les retenues contractuelles sont très rarement prises en compte dans la capacité d’emprunt. Les banques considèrent ces retenues comme des montants à risque, puisqu’un client pourrait invoquer une compensation pour des problèmes de qualité, de conformité ou de sous-traitants impayés. Elles considèrent donc la valeur de ces retenues comme incertaine et ne leur accordent pas de valeur d’emprunt.

Exclusion des travaux en cours

Les travaux en cours non facturés ne sont pas inclus dans la capacité d’emprunt. Les banques considèrent ces coûts engagés comme difficiles à récupérer des clients, puisque ces derniers n’ont pas approuvé les travaux de façon formelle et qu’aucune facture n’a été émise.

Cautions personnelles

Les banques exigent souvent des cautions personnelles ou des cautions d’autres compagnies pour sécuriser les prêts. Ces cautions permettent de réduire le risque de non-paiement en garantissant que les prêts sont soutenus par des actifs personnels ou des garanties supplémentaires.

Évaluation de l’équipe de direction

Une grande importance est accordée à la qualité de l’équipe de direction et à la précision des informations financières fournies. Les banques évaluent la compétence et l’expérience de l’équipe de direction pour s’assurer qu’elle est capable de gérer les projets de construction de manière efficace et rentable.

Recherche de valeur nette réelle

Les banques préfèrent financer des sociétés ayant une valeur nette réelle importante, ce qui réduit leur risque. Une forte valeur permet de garantir que l’entreprise dispose de ressources suffisantes pour faire face aux imprévus et aux difficultés financières.

Positionnement dans la chaîne d’exécution

Les banques jugent que le risque est plus élevé pour les sous-traitants agissant en fin de chantier plutôt qu’au début. En effet, dans les cas de dépassements de coûts, les fonds disponibles viennent souvent à manquer pour les derniers à exécuter leurs travaux.

Disponibilité d’actifs additionnels

Il n’est pas inhabituel qu’une banque demande à obtenir des garanties sur des actifs additionnels pour réduire leur risque (un bâtiment détenu par une société de gestion par exemple).

Les facteurs de succès pour l’obtention de financement

Rentabilité démontrée

Une rentabilité constante sur plusieurs années est un indicateur de succès. Il est crucial de démontrer la capacité à générer des profits de manière régulière et durable pour sécuriser les prêteurs.

Respect des budgets

La capacité à respecter les budgets de soumission est décisive. Il faut être en mesure de gérer les coûts de manière efficace et de respecter les budgets établis pour éviter les dépassements de coûts.

Historique de contrats

Avoir peu de contrats problématiques par le passé est un atout. Cela démontre une capacité à gérer les projets de manière efficace et à éviter les litiges et les problèmes contractuels.

Types de contrats

Des contrats à prix fixe (forfaitaires) vs à coût majoré (cost plus), et des mécanismes clairs visant à régler d’éventuels changements d’ordres (extras) réduisent le niveau de risque dans l’exécution des contrats.

Qualité des informations financières

Des informations financières précises et fiables sont essentielles pour sécuriser les prêteurs.

Compétence de l’équipe de direction

L’expérience et la compétence de l’équipe de direction, notamment sur le plan financier, sont déterminantes. Il faut démontrer que l’équipe de direction est capable de gérer les projets et l’entreprise de manière efficace et rentable.

Valeur nette réelle

Une entreprise avec une valeur nette réelle importante sera vue favorablement (à l’inverse d’une entreprise qui aurait remis une part appréciable de ses profits passés à ses actionnaires).

En comprenant ces particularités et en adoptant des stratégies adaptées, les entreprises de construction seront mieux outillées pour naviguer avec succès dans l’environnement complexe du financement en construction.

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