Stratégies fiscales en direct – Octobre 2018

Le 21 juin 2018, la Cour suprême des États-Unis a rendu son verdict dans l’importante affaire South Dakota v. Wayfair. Selon ce jugement, un État peut obliger des entreprises à percevoir les taxes de vente auprès des consommateurs lorsque leur volume des ventes franchit un certain seuil sur son territoire, et ce, même si elles n’y ont aucune présence physique.

Même s’il peut sembler que ce jugement n’aura une incidence que sur les entreprises et les résidents des États-Unis, la mise en œuvre d’exigences en matière de déclaration qui reposent sur le volume des ventes et non sur la présence physique signifie sûrement que les entreprises canadiennes qui vendent aux États-Unis seront aussi touchées.

Consultez le document ci-dessous pour obtenir davantage d’information.

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Marie-Pierre Pelletier
Associée | Fiscalité

La décision Cameco porte un coup dur aux vérifications agressives de l’Agence de Revenu du Canada en matière de prix de transfert

Dans une décision rendue à la Cour canadienne de l’impôt dans la cause de Cameco Corporation c. La Reine, le juge John R. Owen a rejeté les arguments invoqués par le Ministère du Revenu National et a ainsi porté un coup dur aux efforts déployés par l’Agence de Revenu du Canada (« ARC »), qui tentait d’appliquer le principe de pleine concurrence en se basant sur la nouvelle version 2017 des Principes de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) applicables en matière de prix de transfert, découlant du projet d’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) visant à limiter les activités d’érosion de la base fiscale et le transfert de bénéfices des multinationales.

La cause portait sur les prix de transfert utilisés par Cameco Corporation (« Cameco Canada ») dans le cadre de ses activités minières lors des années fiscales 2003, 2005 et 2006. Plus spécifiquement, l’ARC questionnait la vente d’uranium par Cameco Canada à Cameco Europe S.A. (« CESA »), une filiale luxembourgeoise ayant une succursale en Suisse, succursale qui a été transférée plus tard à une filiale suisse, Cameco Europe AG (SA, Ltd) (« CEL ») (ci-après collectivement nommées (« CESA/CEL »).

Au total, les ajustements de prix de transfert proposés par l’ARC auraient augmenté les revenus de Cameco Canada d’un montant de 484,4M$. Ces mêmes ajustements, appliqués sur les années d’impositions subséquentes, auraient potentiellement ajouté 8 milliards de dollars aux revenus de Cameco Canada.

Au cours des procédures, le Ministère s’appuyait, en premier lieu, sur l’argument du subterfuge (le terme anglais sham est utilisé dans la décision), en deuxième lieu sur les règles de requalification des prix de transfert (paragraphes 247(2)(b) et (d) de la Loi de l’impôt sur le revenu), et enfin sur les règles traditionnelles en matière de prix de transfert (paragraphes 247(2)(a) et (c)). Il s’agissait du premier cas de prix de transfert dans lequel le ministre s’appuyait sur les règles de requalification.

En rejetant la position de l’ARC, le juge Owen en arrive aux conclusions ci-dessous.

  1. Le contribuable n’a pas utilisé de subterfuge. Pour argumenter qu’un subterfuge a été utilisé dans le cadre d’une transaction, il faut que les parties concernées présentent la transaction d’une manière différente de ce qu’elles en comprennent. Le juge a conclu que les agissements des différentes sociétés du groupe correspondaient à leurs compréhensions des ententes commerciales et des transactions et que leurs agissements étaient cohérents avec cette compréhension. Le fait que CESA/CEL ait été expressément autorisée à effectuer les transactions par les autorités de réglementation nucléaire suisses et européennes a certainement également contribué à soutenir la position du contribuable selon laquelle les transactions n’étaient pas un subterfuge.
  2. Il n’y a rien d’exceptionnel, d’inhabituel ou d’inapproprié à au fait d’incorporer CESA/CEL, et que Cameco Canada demande à ses sociétés étrangères affiliées d’effectuer certaines transactions sous le principe de pleine concurrence. Dans l’éventualité où ces transactions soulèvent des questions de prix de transfert, les règles traditionnelles en cette matière devraient y répondre. Le recours aux règles canadiennes de requalification n’était ni justifié, ni approprié dans les circonstances.
  3. L’utilisation de la méthode de prix comparable sur le marché libre (« PCML ») constitue la mesure la plus fiable pour établir des prix de pleine concurrence pour l’uranium. Les prix appliqués par Cameco Canada au cours des années d’imposition en question ne justifiaient pas un ajustement selon les règles traditionnelles de prix de transfert canadiennes, puisqu’ils se situaient dans l’intervalle de pleine concurrence tel que déterminé par la méthode PCML.

Que signifie cette décision pour les contribuables?

La décision rendue par le juge Owen est la plus importante liée aux règles de prix de transfert du Canada depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire La Reine c. GlaxoSmithKline.

En rendant sa décision, le juge Owen réaffirme les points ci-dessous.

  1. Les règles canadiennes en matière de prix de transfert priment sur les Principes de l’OCDE. Par conséquent, à moins d’un changement à la Loi de l’impôt sur le revenu, la version 2017 des Principes de l’OCDE, qui inclut les recommandations du projet BEPS, continuera d’être considérée comme une orientation et non comme la loi.
  2. L’arrêt Duke of Westminster est toujours d’actualité! Une planification fiscale ne constitue pas en soi un motif suffisant pour procéder à un ajustement de prix de transfert.
  3. II est important de développer des politiques de prix de transfert en lien avec la réalité commerciale du groupe, d’avoir des ententes commerciales intercos qui reflètent les termes et conditions des opérations contrôlées, et de comptabiliser les transactions de la même façon que si elles étaient effectuées entre parties non liées.
  4. Dans l’établissement des prix de transfert, c’est l’intervalle de pleine concurrence qui est important, un non un point précis dans l’intervalle.
  5. Tel que stipulé dans la Circulaire d’information 87-2R, la cour canadienne de l’impôt privilégie la méthode du PCML aux méthodes basées sur le profit, telles que la méthode transactionnelle de la marge nette.
  6. II est important de documenter les circonstances ayant conduit à des opérations entre parties liées divergeant de la politique de prix de transfert en vigueur.
  7. Les circonstances commerciales et économiques pertinentes, telles que les questions de réglementation, doivent être dûment prises en compte lors de l’établissement des prix de transfert

En ce qui concerne les positions administratives en matière de prix de transfert prises par l’ARC, la décision du juge Owen :

  1. Établit que le test permettant de déterminer si les règles canadiennes de requalification s’appliquent est fondé sur la réalité commerciale de la transaction ou de la série de transactions;
  2. Établit que les règles traditionnelles en matière de prix de transfert ne doivent pas être utilisées afin de remanier les ententes réellement conclues entre les participants à une transaction ou à une série de transactions, mais bien pour évaluer les transactions ou la série de transactions en se référant un intervalle de pleine concurrence;
  3. Rejette l’usage par l’ARC et ses experts d’informations obtenues a posteriori dans la formulation de leurs conclusions;
  4. Rejette l’argument voulant que, puisque Cameco Canada effectue l’ensemble des fonctions, elle doive obtenir l’ensemble les bénéfices. Les services fournis par Cameco Canada à CESA/CEL en vertu de l’entente de services ne peuvent pas être considérés comme des fonctions effectuées par Cameco Canada pour son propre compte. L’analyse de prix de transfert de ces services doit servir à déterminer le prix de pleine concurrence des services. Le fait que Cameco Canada rende des services de support aux activités de CESA/CEL ne justifie pas un transfert de la prime de risque inhérente aux fonctions d’achat et de vente d’uranium effectuées par CESA/CEL;
  5. Rejette la notion selon laquelle le fait qu’une des parties liées réalise des pertes constitue une preuve suffisante pour arriver à la conclusion que les prix de transfert ne respectent pas le principe de pleine concurrence.

Les précédents découlant de cette affaire portent un dur coup aux positions agressives adoptées par l’ARC au cours des dernières années dans ses vérifications de prix de transfert, et rendront maintenant plus difficile l’implantation des nouvelles directives de l’OCDE sur l’application du principe de pleine concurrence, qui visent à rémunérer sur la base des fonctions générant de la valeur dans la transaction ou la série de transactions concernée. Par conséquent, on peut s’attendre à ce que l’ARC porte en appel cette décision devant la Cour d’appel fédérale et, peut-être, devant la Cour suprême du Canada. Des mesures spécifiques visant les planifications fiscales qui ont été à l’origine du projet BEPS de l’OCDE sont également à prévoir dans le prochain budget fédéral.

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L’équipe de spécialistes de prix de transfert chez Raymond Chabot Grant Thornton a suivi de près l’évolution de ce dossier et peut vous aider à comprendre ses implications pour votre entreprise. Le prix de transfert va au-delà des analyses comparatives et de la documentation. En tant que conseillers, nous fournissons une expérience personnalisée et collaborative basée sur une stratégie en trois étapes, visant à planifier, mettre en œuvre, et défendre vos politiques de prix de transfert. En mettant en œuvre ces stratégies avec notre réseau intégré de spécialistes mondiaux des prix de transfert, ainsi que des conseillers locaux en audit et en fiscalité, nous aidons les sociétés multinationales à créer des structures commerciales internationales efficaces sur le plan fiscal qui résistent à l’examen minutieux des autorités fiscales.

24 Oct 2018  |  Écrit par :

Marie-Pierre Pelletier est votre experte en fiscalité internationale au sein de Raymond Chabot...

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L’érablière a un bel avenir. Lors d’un transfert d’entreprise, le financement est une étape cruciale et passe souvent par un encaissement judicieux des stocks.

Le Québec produit avec fierté plus de 100 millions de livres de sirop d’érable par année, dominant une production mondiale totalisant 160 millions de livres. Ce marché évolue positivement et les perspectives de croissance pour les prochaines années apparaissent des plus intéressantes. Prospères et bien souvent à la fine pointe de la technologie, il n’est pas surprenant que les entreprises acéricoles soient maintenant hautement convoitées par des acheteurs d’ici et d’ailleurs.

Solution pour un transfert acéricole réussi

À l’étape du financement, nos experts ont maintes fois utilisé un encaissement des montants en inventaire comme solution à un transfert d’entreprise acéricole réussi qui prend en considération les besoins des deux parties.

Le vendeur souhaite obtenir le meilleur prix possible et déduire le maximum de gain en capital permis, mais il souhaite aussi conserver le contrôle sur les encaissements de ses stocks détenus auprès de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec.

Le vendeur n’a pas avantage à ce que la société lui transfère les stocks préalablement à la vente, car il se retrouverait à recevoir d’un seul coup un très gros montant, sur lequel il pourrait être imposé jusqu’à 43,84 %! Fiscalement, il a tout intérêt à majorer le prix de vente des actions pour les stocks de l’année en cours, mais aussi pour ceux des récoltes antérieures, qui ne seront payés par la Fédération des producteurs acéricoles que sur plusieurs années à venir. Le prix de vente des actions est ainsi plus élevé, de même que la déduction pour gain en capital admissible.

L’acheteur, quant à lui, ne souhaite pas financer le vendeur en lui remettant à l’avance l’équivalent des montants dus par la Fédération, alors qu’il ne les recevra pas lui-même avant longtemps. Il ne souhaite pas non plus continuer pendant des années à gérer des transferts vers le vendeur au fur et à mesure qu’il les reçoit, tout en gérant les écarts et les frais supplémentaires, avec les risques de litige que ce délai comporte.

On laisse donc les stocks dans la société au moment de la vente des actions par le vendeur, mais ceux-ci sont remis au vendeur à titre de paiement du prix de vente des actions de la société après la vente de celles-ci. Le vendeur reçoit ensuite les paiements échelonnés directement de la part de la Fédération.

Pour maximiser les liquidités nettes après impôt du vendeur et simplifier la transition, on permet au vendeur d’encaisser libre d’impôt la partie du prix de vente correspondant à ses stocks, jusqu’à concurrence de 1 000 000 $, soit la déduction pour gains en capital maximale permise. La même démarche peut s’appliquer pour d’autres éléments d’actifs utilisés dans l’entreprise que le vendeur souhaite conserver.

Des changements administratifs simplifiés

Les dossiers d’employeur et de taxe auprès des gouvernements et de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec appartiennent à la société. Un simple changement de nom du gestionnaire est requis. Les suivis sont ainsi facilités puisque les dossiers et les numéros d’identification demeurent les mêmes.

Chaque entreprise et situation de transfert est unique et nécessite une planification sur mesure afin d’obtenir un résultat optimal. Nous pouvons structurer la transaction de vente pour permettre d’atteindre à la fois les objectifs du vendeur et de l’acheteur. Communiquez avec notre équipe d’experts qui se fera un plaisir de vous accompagner dans la planification du transfert de votre entreprise acéricole.

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Francis Boucher
Associé | CPA, EEE | Conseils financiers
Mis à jour le 19 février 2024

Vous prévoyez vendre ou acquérir une entreprise? Assurez-vous d’avoir tous les éléments en main pour calculer sa juste valeur marchande.

Trop souvent, on attribue à des entreprises une valeur basée sur une règle générale (« règle du pouce ») purement mathématique. Toutefois, ce n’est pas si simple.

Par exemple, selon certains, il suffirait de multiplier les profits par cinq, six ou sept. Se fier à une telle règle pourrait causer bien des ennuis à celui qui s’en contente. En effet, en procédant ainsi, les chances que l’acheteur ait payé trop cher pour son entreprise ou que le vendeur n’ait pas été payé suffisamment pour la vente de ses actions (ou de ses actifs) sont très élevées. De plus, le risque fiscal encouru est grand en contexte de transfert d’entreprise entre les personnes liées.

La valeur d’une entreprise et son niveau de risque

Prenons par exemple deux entreprises situées sur la même rue qui exploitent toutes deux un garage de mécanique automobile. Ces deux entreprises génèrent le même profit. Pourquoi alors l’une d’elles vaudrait-elle plus que sa concurrente? La réponse réside principalement dans le risque que chacune de ces deux entreprises représente.

En effet, c’est le niveau de risque d’une entreprise qui déterminera le multiple à utiliser pour le calcul de sa valeur en continuité d’exploitation. Ainsi, pour un risque de 20 %, on utilisera un multiple de 5 pour calculer les profits (1 divisé par 20 %). Plus une entreprise a un risque élevé, plus petit sera le multiple.

Ne serait-ce que pour bien se préparer à une négociation d’achat ou vente d’entreprise, il est important de bien quantifier, justifier et documenter son risque d’affaires. Celui-ci influencera considérablement la valeur de votre entreprise.

De plus, vous aurez à déterminer le type de rapport et la méthode d’évaluation selon vos besoins. Consultez cet article pour mieux comprendre ces aspects.

Comment identifier le degré de risque d’une entreprise

Si vous êtes un entrepreneur, connaître le niveau de risque et savoir le réduire fera augmenter considérablement la valeur de votre entreprise. Et ce, sans même devoir augmenter les ventes!

Les principaux facteurs de risque sont nombreux. Parmi ceux-ci, on retrouve :

  • la localisation;
  • la réputation de l’entreprise;
  • la présence de relève et d’employés-clés;
  • le niveau de dépendance à certains clients et fournisseurs;
  • la pénurie de main-d’oeuvre;
  • l’approvisionnement (délais et pénuries).

Il existe plus d’une centaine de facteurs de risque à considérer, dont certains sont propres à des secteurs d’activité spécifiques.

Que vous soyez vendeur ou acheteur, l’appréciation de votre risque d’affaires représente donc la composante clé pour le calcul de la valeur de votre entreprise.

Éviter les erreurs d’évaluation

L’établissement d’une prime de risque pour une entreprise est l’étape la plus difficile et demande une expertise pointue. Communiquez avec un expert en évaluation d’entreprise afin de tenir compte de tous les éléments susceptibles d’influencer le calcul de la juste valeur marchande de l’entreprise.

 

19 Oct 2018  |  Écrit par :

Francis Boucher est expert en conseils financiers au sein de Raymond Chabot Grant Thornton.

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