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Avis d'experts

L’ESG dans la construction, qu’est-ce que c’est?

ESG | Construction durable

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Publié le 13 mai 2025

Les critères ESG sont des incontournables dans les appels d’offres. Qu’est-ce que ça implique et comment les intégrer à vos projets?

Dans un secteur qui génère 39 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre*, l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) est devenue un impératif pour rester compétitif.

Les donneurs d’ordre, qu’ils soient publics ou privés, l’exigent désormais dans leurs appels d’offres. Pour les entreprises du secteur, ça signifie l’accès ou la perte directe de contrats structurants.

Selon l’OCDE et le Mécanisme mondial de financement des infrastructures, les investissements en infrastructures durables devraient atteindre 14 000 milliards de dollars d’ici 2030. Comment alors mettre en place une stratégie ESG porteuse pour votre compagnie et ainsi contribuer à la décarbonation et à l’efficacité énergétique?

Les critères ESG: un incontournable dans les appels d’offres

Les grandes institutions du Québec, dont la Société québécoise des infrastructures (SQI), Hydro-Québec et la Ville de Montréal, ont déjà intégré des critères ESG explicites dans leurs cahiers de charges. Ces critères deviennent déterminants pour l’obtention de contrats.

Deux projets emblématiques peuvent servir d’exemple:

  • la déconstruction du pont Champlain, où 90 % des matériaux ont été réutilisés ou recyclés;
  • l’échangeur Turcot qui a vu 80 % de ses matériaux originaux intégrés au nouvel échangeur ou valorisés à l’extérieur.

Voici les trois volets considérés dans les appels d’offres:

Environnemental

  • Bilan carbone du chantier
  • Valorisation des déchets
  • Approvisionnement bas carbone

Social

  • Inclusion de la main-d’œuvre locale
  • Conditions de travail
  • Formation et sécurité

Gouvernance

  • Transparence
  • Traçabilité des matériaux
  • Conformité réglementaire

Certains appels d’offres exigent également le respect de normes internationales comme l’ISO 20400 pour l’approvisionnement responsable.

Comment bâtir une stratégie ESG efficace?

Investir dans les critères ESG, c’est payant. Il s’agit bien d’un investissement, et non d’une dépense. En fin de compte, vous obtiendrez un rendement avec un impact positif sur les états financiers de votre entreprise.

Pour mettre en place une stratégie ESG réussie, vous devez passer par plusieurs étapes clés.

1- Former et sensibiliser à l’interne

Comme première étape, prévoyez la formation de l’ensemble du personnel dans toute l’organisation. Le niveau de maturité ESG varie considérablement d’une entreprise à l’autre. Il est essentiel que tous vos employés comprennent les enjeux et adhèrent à la démarche. Cette formation permet de présenter les ESG non comme une contrainte, mais comme une occasion d’évolution et un avantage concurrentiel.

Vous devez former les contremaîtres, les chargés de projet et même les sous-traitants. Une stratégie ESG efficace commence sur le chantier, là où la réputation ESG se gagne (ou se perd).

2- Poser un diagnostic ESG sectoriel

Avant de définir un plan d’action, il faut réaliser un diagnostic pour établir un portrait fidèle de la situation actuelle de votre entreprise. Cette évaluation permet de déterminer ce qui est déjà en place. La plupart des entreprises ont en effet déjà mis en œuvre certaines pratiques ESG, notamment sur le plan social avec des politiques de télétravail et de bien-être au travail.

Un diagnostic ESG doit être calibré pour la réalité de la construction: pratiques de gestion des matériaux, logistique verte, stabilité de la chaîne d’approvisionnement, risques climatiques physiques et transitionnels.

3- Élaborer un plan d’action

Votre plan d’action doit inclure des indicateurs de performance mesurables (SMART) permettant de suivre les progrès dans le temps. Concentrez-vous d’abord sur quelques objectifs prioritaires plutôt que de multiplier vos engagements. Cette priorisation doit tenir compte des enjeux actuels et des besoins spécifiques de votre entreprise.

Concentrez-vous avant tout sur:

  • les tCO2eq par étape de construction;
  • le taux de réutilisation de matériaux in situ;
  • le pourcentage de contrats avec clauses ESG incluses.

4- Mettre en œuvre les actions prioritaires

Une fois le plan établi, passez à l’action. Voici quelques actions concrètes possibles.

Bilan carbone et plan de décarbonation

Mesurez les émissions de GES de votre entreprise et établissez un plan de réduction réaliste et progressif par chantier ou par unité de production. Pas besoin de tout transformer d’un coup (comme remplacer toute une flotte de camions par des véhicules électriques). Avancez plutôt une étape à la fois.

Approvisionnement responsable

La Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (projet de loi S-211) impose aux grandes entreprises de déposer un rapport annuel sur leurs pratiques d’approvisionnement pour prévenir le travail forcé et le travail des enfants. Au-delà de la conformité réglementaire, l’objectif est d’identifier des fournisseurs ayant un impact plus positif sur les plans environnemental, social et de gouvernance.

Gestion des risques climatiques

Évaluez les risques à court, moyen et long terme liés aux changements climatiques (feux de forêt, inondations, stress thermique, etc.) qui pourraient perturber le fonctionnement de votre entreprise. Appliquez un plan d’action adapté.

Optimisation de la chaîne d’approvisionnement

Recherchez des alternatives plus durables en termes de matériaux et de logistique.

Transition énergétique

Adoptez progressivement des énergies renouvelables, lorsque c’est possible.

Économie circulaire

Réduisez vos déchets et favorisez la réutilisation des matériaux, les plateformes de réemploi, la logistique inverse.

5- Prévoir un suivi et une amélioration continue

La démarche ESG s’inscrit dans un processus d’amélioration continue. Le bilan carbone, par exemple, doit être réalisé de façon récurrente pour mesurer les progrès.

La création d’un comité ESG incluant des représentants internes (chantier, qualité, direction), éventuellement accompagné par des experts externes, permet d’assurer ce suivi.

Il est important de rappeler que les ESG sont une démarche globale, qui touche tous les départements de l’entreprise, et pas uniquement la finance ou les opérations.

Comment maximiser l’impact de votre démarche ESG dans le contexte actuel?

Prévenir l’écoblanchiment

Depuis 2024, le projet de loi C-59 encadre les allégations environnementales. En construction, cela signifie que les promesses «vertes» doivent être mesurables, traçables et auditables.

Pour éviter l’écoblanchiment (greenwashing), visé par le projet de loi C-59 adopté et sanctionné en 2024, il est recommandé de:

  • vous concentrer sur des objectifs réalistes et atteignables;
  • vous assurer que toute communication externe est factuelle et appuyée par des données vérifiables;
  • ne pas multiplier des engagements qui ne pourront pas être tenus.

Tirer parti des programmes incitatifs financiers

De nombreux programmes d’aide financière existent pour vous soutenir dans la transition ESG, au niveau tant fédéral que provincial, notamment:

Ces programmes peuvent prendre la forme de subventions, de prêts ou d’autres aides financières.

Profiter d’un environnement propice au Québec

Même si la politique environnementale fluctue à l’international, entre autres aux États-Unis, le Québec maintient une orientation forte en faveur des ESG. Les grands donneurs d’ordre, comme Hydro-Québec, la Sépaq et les ministères, continuent d’inclure des critères ESG dans leurs appels d’offres.

Le secteur financier soutient également cette transition: banques et fonds d’investissement (comme Fondaction) proposent des prêts verts et des financements avantageux pour les projets durables.

Anticiper les tendances mondiales

Plusieurs tendances mondiales confirment l’importance de l’intégration des ESG dans les stratégies d’entreprise :

  • Directive européenne CSRD pour les grandes entreprises de construction (obligation de rapport ESG);
  • Zéro émission nette dans les bâtiments neufs d’ici 2030 (Union européenne);
  • Taxonomie verte canadienne en développement pour encadrer les investissements durables;
  • Intégration ESG dans les standards d’assurance et les taux appliqués (Swiss Re, Aon au Canada).

Les critères ESG comme levier stratégique

L’intégration des ESG dans la planification stratégique n’est plus une option, mais une nécessité pour les entreprises qui souhaitent demeurer compétitives et accéder aux marchés publics comme aux financements avantageux. Loin d’être une contrainte, cette démarche représente un véritable levier de transformation et de création de valeur.

Intégrer les ESG, ce n’est pas se conformer, c’est gagner des appels d’offres, accéder à des financements et valoriser son image. C’est transformer chaque chantier en vitrine d’innovation responsable.

*Source: GlobalABC/UNEP, 2022.

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