Publié le 2 décembre 2025
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En 2025, plus que jamais, on réalise que la stratégie ESG n’est pas là pour sauver les apparences, mais bien pour son impact réel sur les entreprises.
Les faits démontrent que 2025 a été la première année où les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) se sont imposés comme éléments de stabilité des organisations, avec des conséquences directes sur:
- la valeur des entreprises;
- leur résilience;
- leur gouvernance;
- leur capacité de financement.
Nous ne sommes plus dans un débat conceptuel. Nous sommes dans la réalité économique.
1. On mise sur l’ESG pour un impact concret et non pour les apparences
Au premier trimestre de 2025, un retrait massif de 8,6 milliards de dollars américains d’investissements dans des fonds ESG a créé une onde de choc. Certains ont même annoncé la « fin de l’ESG ». Pourtant, ce recul en bourse n’a fait qu’exposer la différence fondamentale entre:
• l’ESG de façade, qui n’a aucune valeur dans un marché devenu méfiant;
et
• l’ESG de terrain, qui génère une surperformance réelle.
Les méta-analyses d’Oxford (Clark, Feiner et Viehs), de la Harvard Business School (Grewal et Serafeim, 2024) et de MSCI (Trends 2025) convergent: 88 % des études démontrent qu’une gestion rigoureuse des enjeux matériels améliore le rendement et réduit la volatilité.
Le marché n’a pas rejeté l’ESG. Il a rejeté l’ESG cosmétique pour se concentrer sur l’ESG sérieux, celui qui affecte:
- la probabilité d’incident;
- la continuité opérationnelle;
- la performance du capital;
- la capacité d’assurer.
L’année 2025 aura été la purge nécessaire: l’ESG de façade meurt; l’ESG stratégique naît.
2. On constate que l’ESG devient géopolitique et recompose les rapports de force
Les plaques tectoniques bougent. L’événement majeur de 2025 en ESG n’a pas été financier. Il a été géopolitique.
États-Unis
Aux États-Unis, l’ESG est devenu un marqueur idéologique. Dix-sept États ont limité son usage dans les fonds publics (Harvard Law School Forum, 2025), tandis qu’un tribunal fédéral suspendait des parties des réglementations climatiques de la Securities and Exchange Commission (SEC).
Europe
En Europe, la Commission européenne travaille actuellement à proposer des ajustements aux normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) incluses dans la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) pour préserver sa compétitivité industrielle, retardant plusieurs obligations sectorielles et allégeant la charge pour plus de 50 000 PME. Les ambitions demeurent, mais la guerre en Ukraine, la hausse des coûts énergétiques et la pression chinoise ont réaligné la stratégie: la transition devra être compatible avec la survie industrielle.
COP30
Jamais une transition mondiale n’a été aussi dépendante d’un seul pôle géopolitique. L’Amérique latine, hôte de la COP30, rebat les cartes: souveraineté minière, justice climatique et réallocation des investissements.
Les pays producteurs exigent un partage de la valeur et le monde ne pourra pas l’ignorer. L’ESG en 2025 est devenu un vecteur d’influence internationale.
3. On reconnaît l’importance des risques liés aux chaînes d’approvisionnement
En 2025, les entreprises ont réalisé que leur plus grande vulnérabilité ne se trouvait pas dans leurs émissions locales, mais dans la fragilité globale de leur chaîne de valeur.
Les attaques en mer Rouge ont perturbé 12 % du commerce mondial (IMO, 2025).
Les coûts de transport conteneurisé ont augmenté de 350 % (Drewry Index, 2025).
Les retards logistiques ont paralysé les industries dépendantes des matériaux critiques, entraînant des pertes opérationnelles massives.
Le World Economic Forum Global Risks Report 2025 classe désormais les risques liés à la chaîne d’approvisionnement parmi les cinq plus menaçants de la décennie.
Pour la première fois, les risques du Scope 3 deviennent:
- financiers;
- assurables;
- juridiques;
- déterminants pour la continuité d’affaires.
La Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD) européenne, adoptée en 2024, transforme la gouvernance des fournisseurs en exigence juridique. Le Scope 3 devient un risque d’affaires, pas un indicateur dans un rapport.
4. On adapte les normes avec rigueur
L’International Sustainability Standards Board (ISSB) a publié en 2023 ses deux premières normes IFRS d’information sur la durabilité, IFRS S1 Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité et IFRS S2 Informations à fournir en lien avec les changements climatiques, qui deviennent la colonne vertébrale du reporting mondial, mesurables, comparables, auditables, intégrables aux états financiers.
En Europe, la CSRD a été ajustée, non par recul, mais pour assurer sa viabilité industrielle. La transition doit être exigeante, mais elle doit être gouvernable.
Au Canada, la modernisation de la Loi sur la concurrence (C-59) a transformé le greenwashing en risque juridique majeur. Le Bureau de la concurrence exige désormais une base scientifique pour toute allégation environnementale, ce qui représente un changement de paradigme. Notez que le Canada a également publié en 2023 ses propres normes canadiennes d’information sur la durabilité, fortement inspirées des normes internationales de l’ISSB, avec date d’entrée en vigueur volontaire à compter de 2025.
La littérature scientifique confirme cette direction. La Harvard Business School (2024) montre que les investisseurs valorisent désormais davantage la qualité du reporting durable que la quantité des engagements.
5. On renforce la gouvernance qui devient un pilier pour gérer les risques
Les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont explicites: 71 % des sanctions ESG en 2024-2025 concernent des failles de gouvernance.
Le rapport 2025 de la Banque mondiale souligne que les entreprises dotées d’un conseil d’administration (CA) compétent en climat ont deux à trois fois plus de chances d’atteindre leurs objectifs.
Le constat est clair: la gouvernance n’est pas que la troisième lettre de l’ESG. C’est la première infrastructure de fiabilité, de transparence, de décision et de valeur.
Nous entrons dans l’ère où les CA deviennent les gardiens des risques systémiques:
- risques climatiques;
- risques géopolitiques;
- risques de réputation;
- risques d’intégrité des données;
- risques de chaîne d’approvisionnement;
- risques numériques et liés à l’IA.
Les organisations qui ne restructurent pas leur gouvernance seront incapables de respecter les normes, d’obtenir du financement et de gérer leurs risques.
6. On profite de l’avantage stratégique du Québec
Le Québec se trouve aujourd’hui dans une position paradoxale: riche en actifs critiques (hydroélectricité, aluminium à faible teneur en carbone et minéraux stratégiques), mais encore peu mature en matière d’ESG structuré.
L’IEA prévoit une explosion mondiale de la demande en minéraux critiques d’ici 2030:
- +45 % pour le cuivre;
- +60 % pour le nickel;
- +600 % pour le lithium.
Ces chiffres redéfinissent le rôle stratégique du Québec dans la transition.
Cependant, plusieurs études démontrent que la majorité des PME québécoises n’ont pas de stratégie ESG formelle.
Chez Raymond Chabot Grant Thornton, nous constatons que les critères ESG sont devenus un élément incontournable, notamment lors des appels d’offres publics, sous l’effet des obligations réglementaires et des attentes sociétales. De plus, les institutions financières exigent de plus en plus des données auditées, structurées et gouvernées.
Le Québec a une opportunité historique, à condition de ne pas la manquer.
Plus que jamais essentiel
L’ESG n’est plus une option: c’est une stratégie de puissance. En 2025, l’ESG n’est plus un concept. C’est une grille de lecture du monde, un cadre de gestion des risques et un instrument de compétitivité.
Les entreprises qui l’auront compris entreront dans la décennie 2026-2035 avec un avantage décisif. Les autres devront affronter des risques qu’elles ne pourront ni financer, ni transférer, ni maîtriser.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Stéphanie Fournier, directrice principale en recherche comptable, gestion des risques, au sein de Raymond Chabot Grant Thornton.
Sources
Les fonds ESG mondiaux subissent une décollecte au premier trimestre 2025 dans un contexte d’intensification du retour de bâton ESG, Hortense Bioy, Morningstar, mai 2025.
The Red Sea Shipping Crisis (2024–2025): Houthi Attacks and Global Trade Disruption, Victoria Sainz, Atlas Institute for International Affairs, mars 2025.
Red Sea crisis: supply chain issues set to continue despite Gaza ceasefire, Gokcay Balci, The Conversation, janvier 2025.
Container rates increase to start the new year, Insidelogistics, janvier 2025.
Global Risks Report 2025, Mark Elsner, Grace Atkinson, Saadia Zahidi, World Economic Forum, janvier 2025.
Loi sur la concurrence, gouvernement du Canada.
Panorama de la gouvernance d’entreprise de l’OCDE 2025, OCDE, octobre 2025.
Global Critical Minerals Outlook 2025, International Energy Agency, juin 2025.
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