Investisseurs, clients et gouvernements sont de plus en plus exigeants : les entreprises doivent placer le développement durable au coeur de leur modèle d’affaires.
Une étude interne récente de Grant Thornton International Business Report (IBR) met en lumière les préoccupations des entreprises en matière d’environnement et de développement durable. Quels sont les bénéfices et les mesures concrètes que les entreprises peuvent prendre en faveur d’une approche plus respectueuse de l’environnement?
- Le développement durable chez les moyennes entreprises
- Pourquoi opter pour des solutions durables?
- Les conséquences de la démarche axée sur le développement durable
- Les obstacles à la mise en place d’un système plus respectueux de l’environnement
- Déterminer la valeur
- Premiers pas vers le développement durable
- Le développement durable au centre de la stratégie
Au cours de la dernière décennie, le développement durable est devenu de plus en plus important dans le monde entier. Il influence non seulement le quotidien des individus, mais aussi les politiques gouvernementales et le mode opérationnel des entreprises, ainsi que leurs stratégies d’avenir.
La pandémie qui sévit actuellement représente un défi de taille pour toutes les entreprises. Or, en dépit de la COVID-19 et de ses conséquences, jamais il n’a été aussi urgent de prendre des mesures en faveur du développement durable.
« Un consensus se dégage sur l’importance d’agir afin de préserver notre environnement. Intégrer un plan de développement durable à sa stratégie d’entreprise est devenu un incontournable pour la pérennité des organisations et pour conserver la vitalité de notre économie. Il est aussi de la responsabilité des leaders d’entreprises d’influencer toutes les parties prenantes. C’est d’ailleurs l’occasion pour les entreprises d’ici de développer de nouveaux marchés », rappelle Emilio B. Imbriglio, président et chef de la direction de Raymond Chabot Grant Thornton.
De son côté, Linda Mannerby, responsable du développement durable à Grant Thornton Suède explique que « les entreprises qui comprennent les enjeux et les risques mondiaux, adaptent leurs modèles économiques et contrôlent leur impact commercial (positif comme négatif) ont de meilleures chances de survivre à long terme ».
Le développement durable chez les moyennes entreprises
De toute évidence, le développement durable est devenu un axe stratégique pour les entreprises de premier ordre. Conformément aux objectifs de développement durable des Nations Unies, des entreprises telles que Shell, Unilever, Microsoft, Apple et American Airlines, pour n’en citer que quelques-unes, ont récemment déclaré vouloir atteindre zéro émission nette de dioxyde de carbone au cours des prochaines décennies. L’étude d’IBR a examiné dans quelle mesure les moyennes entreprises adhèrent au développement durable.
Les résultats montrent qu’une grande partie des moyennes entreprises à travers le monde sont sensibles à cette question : un peu moins de la moitié d’entre elles (48 %) pensent que le développement durable aura un impact financier positif net sur leur activité, et un pourcentage similaire (47 %) s’attend à ce qu’une approche durable permette d’améliorer l’efficacité opérationnelle et de réduire les coûts pour leur organisation. En revanche, 43 % des répondants estiment que la réussite financière et le développement durable sont aussi importants l’un que l’autre.
Les moyennes entreprises sont manifestement conscientes de la valeur grandissante des entreprises respectueuses de l’environnement, mais les données suggèrent également que beaucoup ne savent pas comment concrétiser leur engagement en faveur du développement durable; 48 % des répondants conviennent que la plupart des entreprises de leur envergure ignorent par où commencer en ce qui concerne les évaluations de durabilité.
Autre constatation importante : les entreprises des marchés émergents priorisent davantage les enjeux du développement durable que leurs homologues des économies développées, et s’attendent également à des retombées financières plus favorables découlant de l’intégration du développement durable.
Pourquoi opter pour des solutions durables?
Un des facteurs clés qui incitent les moyennes entreprises à faire du développement durable un principe stratégique directeur est le potentiel de croissance que ce type d’approche peut engendrer.
L’une des principales motivations qui poussent les entreprises à intégrer le développement durable à leur stratégie est la recherche d’investissements. En effet, d’année en année, les investisseurs du monde sont de plus en plus nombreux à investir en fonction de paramètres liés au développement durable. Nombre d’investisseurs et de banques recourent également au développement durable pour évaluer l’approche d’une entreprise en matière de gestion des risques.
Cela pourrait être l’un des facteurs qui expliquent que les entreprises des économies émergentes sont plus susceptibles de privilégier le développement durable.
Au gouvernement du Québec, un projet de loi serait en cours d’élaboration avec l’objectif d’introduire des critères écologiques dans ses futurs appels d’offre, selon ce qu’aurait mentionné récemment la présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel. Ces critères restent à définir, mais il s’agit là d’un indicateur supplémentaire que l’environnement est un enjeu dont les entreprises doivent tenir compte dès maintenant dans leur stratégie de croissance. Cet élément devient incontournable pour une organisation afin de demeurer compétitive.
L’initiative du gouvernement vient faire écho au Plan pour une économie verte 2030 présenté en mars 2021 et qui confirme un consensus sur l’importance d’agir afin de préserver notre environnement et, par ricochet, conserver une économie viable.
Le fait d’intégrer le développement durable à sa stratégie d’entreprise favorise également l’innovation et, par conséquent, la croissance de l’entreprise, explique Katerina Katsouli, directrice de l’ESG et du développement durable à Grant Thornton Grèce. « L’innovation stimule les ventes et contribue fortement à la croissance des entreprises. » Les entreprises socialement et écologiquement responsables peuvent établir un point de différenciation clair au niveau de la marque, ce qui les protège des concurrents moins coûteux. « Ces entreprises ont également beaucoup à gagner en termes de réputation. Elles parviennent mieux à établir une relation de confiance avec les parties prenantes, à obtenir des recommandations volontaires de la part des clients et à se protéger des scandales, des défis réglementaires et des autres atteintes à la réputation. »
Les conséquences de la démarche axée sur le développement durable
Tandis que la tendance vers le développement durable gagne du terrain, explique Emma Verheijke, partenaire-conseil en matière de développement durable et d’impact à Grant Thornton Pays-Bas, les entreprises ne peuvent tout simplement pas se permettre d’être à la traîne.
« Ce que nous constatons aux Pays-Bas et dans toute l’Europe, c’est que de plus en plus de facteurs viennent accélérer cette transition, des finances et des employés aux règles des adjudications publiques, en passant par les impressions des clients. Si vous refusez cette transition et que vous ne vous engagez pas dans le développement durable, votre entreprise pourra-t-elle se montrer à la hauteur de l’avenir? Serez-vous encore debout dans cinq ans? »
« Je ne suis pas certaine que ce concept soit encore bien ancré, et je crois que beaucoup d’entreprises ne tarderont pas à faire les frais de leur retard quant à cette transition. Le développement durable ne relève plus d’un gentil projet marginal : il fait partie intégrante de la stratégie de base d’une entreprise. Il touche vos risques, vos occasions d’affaires, votre planification à long terme, la façon dont vous traitez votre personnel, vos ressources, vos fournisseurs, sans oublier la demande des consommateurs. Les entreprises qui comprennent cela et qui anticipent ces enjeux sont celles qui auront le plus de valeur demain », ajoute Emma Verheijke.
En effet, selon l’IBR, près des deux tiers (61 %) des moyennes entreprises considèrent que les tendances mondiales en matière de développement durable exigeront de modifier fondamentalement les modes de fonctionnement dans leur secteur.
« Devenir plus écologique en matière de gestion des ressources a pour conséquence indirecte de gagner en efficacité et de réduire les coûts. Par exemple, lorsque vous faites l’effort de réduire la quantité de matériaux utilisés ou de chercher des solutions pour limiter le gaspillage », ajoute Valentina Yakhnina, responsable du développement durable chez Grant Thornton Israël.
Les obstacles à la mise en place d’un système plus respectueux de l’environnement
Pour bien des moyennes entreprises, l’investissement financier nécessaire à la mise en œuvre d’un programme de développement durable est un obstacle majeur, obstacle qui s’est aggravé avec les pressions financières liées à la COVID-19.
Selon Julia Höglund, conseillère en développement durable chez Grant Thornton Suède : « Le plus grand défi est le court terme. Même sans le vouloir, nous baignons dans un système où la pression est forte pour atteindre des objectifs financiers trimestriels, et cela demeure le moteur du changement au sein des entreprises. En général, les clients nous interrogent quant aux bénéfices liés à leur investissement. Il est quelquefois difficile de répondre à cette question sur le plan financier, puisqu’elle dépend d’un grand nombre de facteurs mondiaux et de facteurs de consommation. En revanche, nous pouvons mesurer les bénéfices des activités ESG (environnementales, sociales et de gouvernance), qui peuvent avoir un impact positif sur les résultats financiers généraux. »
Déterminer la valeur
Sue Almond, responsable mondiale de la certification chez Grant Thornton, indique que les résultats de l’IBR, qui ont révélé que nombre d’entreprises associent étroitement le développement durable et les résultats financiers, sont très prometteurs. « Les résultats financiers de l’entreprise sous-tendent sa propre durabilité. Ainsi, si les actions en faveur du développement durable sont clairement reliées aux résultats financiers généraux, vous pouvez faire ce constat désormais incontournable en affaires que c’est par ces actions qu’on gagne les cœurs et les esprits », explique-t-elle.
Markus Hakansson, responsable du conseil en matière de développement durable chez Grant Thornton Suède, ajoute : « En tant qu’entreprise, votre capacité à créer de la valeur ne repose pas uniquement sur des facteurs financiers. Les facteurs non financiers (sociaux et environnementaux) représentent 80 % de la capacité de l’entreprise à créer de la valeur et, en définitive, la valeur, c’est de l’argent. Or, cette valeur, le savoir des employés ou le capital structurel, peut demeurer dans l’entreprise pendant de nombreuses années avant de se transformer en trésorerie. La compréhension de ce concept de développement durable peut être un problème pour le conseil d’administration et les propriétaires ».
Premiers pas vers le développement durable
Selon Julia Höglund, la clé pour déterminer les objectifs de durabilité d’une entreprise est de créer un dialogue avec les parties prenantes. « Le but est de découvrir ce que les parties prenantes attendent réellement », explique-t-elle. « Ces parties prenantes comprennent les investisseurs, les créanciers, les clients, les employés et le grand public. »
Selon l’IBR, 49 % des moyennes entreprises s’attendent à subir plus de pression de la part de leurs employés actuels et futurs pour devenir plus environnementalement responsables dans l’année à venir, tandis que 55 % s’attendent à subir plus de pression de la part de leurs clients.
Parallèlement, selon Linda Mannerby, les entreprises doivent évaluer leur position actuelle vis-à-vis de l’environnement et de la société.
« Il faut comprendre où se trouvent les impacts positifs et négatifs », explique-t-elle. « Un des moyens les plus simples consiste à cartographier votre chaîne de valeur : ce type d’analyse d’impact peut vous aider à atteindre les membres du conseil d’administration, à les sensibiliser et à identifier les risques. »
« Dès le départ, les entreprises doivent être claires quant à leurs intentions en matière de développement durable, explique Emma Verheijke. S’agit-il de conformité, de communication, de financement, d’attirer et de retenir les employés, ou de toutes ces réponses? C’est ce qui va dicter la direction que vous allez prendre. »
Une fois les objectifs et les domaines d’impact significatifs établis, les entreprises peuvent décider des rapports et des cadres d’évaluation qui leur conviennent le mieux, ajoute-t-elle, plutôt que d’avancer de façon aléatoire.
Le développement durable au centre de la stratégie
En définitive, selon Markus Hakansson, les questions de durabilité devraient être placées au centre de toutes les décisions prises en entreprise. « Il ne s’agit pas seulement d’intégrer le développement durable dans le modèle d’entreprise, mais également dans la stratégie, les tactiques et les activités de cette dernière », explique-t-il.
« Idéalement, chaque décision au niveau tactique, opérationnel et stratégique devrait être prise sur la base du bilan sur trois plans : en tenant compte de son impact environnemental, social et financier. »